Dans le contexte actuel de pandémie COVID-19, et compte-tenue de la fragilité des patients que nous prenons en charge et les conditions de travail dans nos services de radiothérapie, l’élaboration de recommandations spécifiques s’impose. Elle a pour objectif une gestion optimale du flux des patients pris ou à prendre en charge tout en protégeant au maximum le personnel médical et paramédical qui reste la pierre angulaire du système de santé.
II. Méthodologie
Un groupe de travail a procédé à plusieurs réunions à distances et échanges mail pour rédiger les recommandations. Le contenu de ces recommandations a été réalisé sur la base de la synthèse des données bibliographiques récemment publiées et des recommandations de l’INEAS.
Finalisation : Le document finalisé a été transmis au préalable à tous les responsables des services de radiothérapie et aux membres de la STOR pour validation.
III. Priorités :
III.1.Dans le contexte de prise en charge des patients cancéreux, la première priorité est de ne pas retarder la prise en charge :
Curative surtout pour les tumeurs où l’impact de la radiothérapie sur la survie a été prouvé.
Palliative pour les urgences carcinologiques où aucune autre solution médicale n’est possible.
III.2.Limiter au maximum le risque de contamination aussi bien des patients que du personnel soignant.
Les responsables administratifs locaux et régionaux sont appelés à soutenir les services de radiothérapie à assurer la continuité du traitement (fourniture des moyens de protection, transport de personnel si besoin…)
IV. Problèmes spécifiques à la radiothérapie
Les difficultés suivantes doivent être prises en compte lors de la prise des décisions en rappelant que chaque service ou centre est appelé à les adapter en fonction de ses propres spécificités en matière d’infrastructure et de ressources humaines
IV.1. Les délais d’attente:
Le délai d’attente pour un RDV de radiothérapie diffère significativement entre le secteur public et le secteur privé
IV.2. L’accessibilité des services de radiothérapie et l’éloignement géographique dans un contexte de confinement général :
Neuf centres prennent en charge les patients de tout le territoire tunisien. Certaines mesures étaient prises, avant cette épidémie, pour assurer l’hébergement des patients durant la radiothérapie (associations caritatives, hébergement dans les structures sanitaires…). Ces mesures ne sont plus, en totalité ou en partie, disponible durant la période de confinement.
IV.3. Ressources humaines et matérielles disponibles
Faire fonctionner un service de radiothérapie à plein régime nécessiterait la mobilisation de tout le personnel disponible, qui serait exposé ainsi au risque de contamination conjointe. Cette éventualité mettrait à l’arrêt prolongé les services touchés. Par ailleurs, la disponibilité des moyens de protection individuelle (EPI) n’est pas toujours optimale.
V. Recommandations :
V.1. Respect strict des règles d’hygiène :
Pour les patients :
Respecter la distance recommandée 1,5m.
Le lavage des mains par l’eau savonneuse, ou par solution hydro-alcoolique doit être obligatoire avant la séance de traitement.
Port de masque durant son transport et sa présence dans le service de radiothérapie.
Pour le personnel soignant :
Eviter de porter les mains à son visage.
Utilisation des moyens de protection : sur-blouses pour les techniciens de radiothérapie, masques pour tout le personnel soignant. Le type de masque dépend de l’exposition et du stock disponible, calot pour les cheveux.
Lavage des mains ou friction avec une solution hydro-alcoolique régulièrement et systématiquement après tout contact avec le patient, entre 2 patients ou après retrait des gants.
Limiter le port des gants au cas particuliers : présence de lésions cutanées, contact avec un liquide biologique ou pour nécessité de nettoyage de la table entre les patients.
La table de traitement doit être nettoyée à l’eau javellisée après chaque patient (port de gant lors de nettoyage nécessaire).
Pour la structure sanitaire :
Bi nettoyage des salles d'attente, bras des fauteuils et poignées de portes à l’eau javellisée.
V.2. Réorganisation du fonctionnement du service :
Les patients autonomes doivent se présenter seuls à leur séance de traitement. Les patients non autonomes peuvent être accompagnés d’une seule personne.
Selon les locaux d’attente disponibles dans chaque centre, le nombre de patients en attente simultané est limité avec obligation de respecter la distance recommandée (1,5m).
Un tri à l’entrée de l’hôpital ou du service de Radiothérapie doit être mis en place. Les patients avec des signes faisant suspecter une infection par le COVID-19 et/ou ayant un contact suspect ne doivent pas être acceptés/se présenter au service de radiothérapie et seront orienter vers le circuit COVID selon les recommandations officielles des autorités.
Limiter la présence du personnel soignant dans le service au strict minimum garantissant le traitement des malades. Chaque service s’organisera en plusieurs unités en fonction de ses contraintes en ressources humaines (voir annexe1).
Ce système de garde par équipes réduites et en roulement permettrait de limiter l’exposition et de disposer d’une équipe fonctionnelle en cas d’empêchement…
Réorganiser les réunions de concertation :
Pour les réunions de concertation pluridisciplinaire, discuter les dossiers urgents par visio-conférence ou par téléphone.
Pour le staff du service, à adapter à l’organisation interne de chaque service mais en veillant à limiter le nombre de médecins présents (médecins séniors et résidents) et en respectant la distance recommandée.
Encourager l’adoption des solutions de contourage, de planification et de validation (dosimetrique et imageries portales) à distance si possible.
Poursuivre les procédures de contrôle qualité quotidiennes (mesures du top) et hebdomadaires.
V.3. Hiérarchisation des priorités :
Au début de l’épidémie, les services de radiothérapie fonctionnaient à plein régime, ce qui devient impossible avec les conditions de travail lors de l’épidémie (plus de temps nécessaire pour le respect des règles d’hygiène, moins de personnel mobilisé…).Il est recommandé de:
Ne pas traiter un nouveau malade suspect ou confirmé COVID+*.
Arrêter le traitement pour un patient suspect ou confirmé COVID+*.
Limiter les hospitalisations dans les services de radiothérapie aux cas urgents.
Arrêter l’activité de curiethérapie à bas de débit nécessitant une anesthésie générale (des boosts par RTE seront proposés).
Limiter les consultations des malades en cours de traitement en fonction des besoins des malades et de la disponibilité des équipes soignantes.
Reporter les consultations de surveillance à distance de la fin de traitement ; veiller à la reconduction des ordonnance (d’hormonothérapie par exemple). Favoriser les consultations à distance si possible (télémédecine, téléphone, …).
Les consultations des nouveaux patients peuvent être reportées ; garder l’ouverture des dossiers pour urgence.
Le traitement des malades infectés dans un contexte de manque d’équipements de protection exposerait tout le système de radiothérapie du pays à un arrêt total et prolongé d’autant plus que les possibilités de transfert des malades d’un service à un autre sont impossibles d’un point de vue technique et logistique
Revoir les indications de RT et ne garder que les indications retenues avec un impact pronostic prouvé et solide (impact de survie).
Trier les malades à traiter sans délai et les malades à retarder en privilégiant les patients avec des tumeurs en place (à évolution rapide sans autres alternatives thérapeutiques…) et les urgences carcinologiques. L’arbre décisionnel et le tableau 1 donnent les grandes lignes de la priorisation des patients à traiter ou à retarder (les dossiers sont bien entendu étudiés au cas par cas dans chaque service pour tenir compte des spécificités locales en termes d’infrastructures et des ressources humaines).
Tenue d’un registre à jour comportant la liste des patients pour qui on a éventuellement arrêté ou retardé le traitement pour les réintégrer en fonction de la disponibilité des places sur les machines de traitement.
Revoir les modalités de radiothérapie :
Favoriser le traitement hypofractionné pour le traitement curatif à chaque fois que c’est possible. Le choix du protocole de fractionnement et ses indications sont laissés à la discrétion de chaque radiothérapeute /équipe
Favoriser les fractions uniques pour le traitement palliatif.
VI. Conduite à tenir en cas de cas confirmé COVID + :
En cas de forte suspicion de cas COVID + parmi le staff ou les patients traités, il faut alerter les services compétents ; si la contamination COVID est confirmée, le surveillant de l’unité doit :
Dresser la liste de tout le personnel ayant eu un contact avec le cas et les patients traité durant la même période (tableau 2). Il faut noter le degré de contact : faible (juste présence non simultanée dans le service) ; moyen (présence simultanée dans le service mais avec une distance de sécurité ou élevé (contact rapproché pour mise en place sur table, examen clinique ou non-respect des distances de sécurité).
Communiquer la liste aux responsables des services référents.
Le personnel en contact continue à travailler avec les mesures de protection (masque chirurgical en permanence…).
Le prélèvement (PCR) sera réalisé après 48h et la suite de la prise en charge suivra les recommandations des autorités de référence (reprise de travail si test négatif et isolement si test positif). Cf annexe2 (Recommandations du Collège de Médecinede Travail).
Désinfection du service (mur et surfaces).
Réouverture et reprise de l’activité dès la fin de la procédure.
L’arbre décisionnel et le tableau suivants sont proposés à titre indicatif pour le tri des indications de RT
1. A traiter (en fonction des capacités (staff et matériels de chaque service) et après étude du dossier au cas par cas
a. Tumeur en place sans autres alternatives thérapeutiques /trop élevé i. Col utérin ii. Sein inflammatoire inopérable M0 iii. Carcinome des VADS iv. Rectum v. Tumeurs cérébrales haut grade (<60-65 ans) vi. Lymhome de Hodgkin/Tumeurs pédiatriques vii. Carcinomes pulmonaires (à visée curative) b. Traitement adjuvant de tumeurs avec risque de récidive élevé i. Tumeur opérée avec exérèse incomplète sans possibilité de reprise chirurgicale, ii. sein triple négatif N+ iii. Tumeurs cérébrales de haut grade c. Urgence carcinologique i. Compression médullaire ii. Syndrome cave ne répondant pas au traitement médical iii. Hémorragie incontrolable autrement et provenant des petits vx (néoangiogénèsetumorale,les hémorragies des gros vaisseaux n’est pas bien contrôlée par la RT)
2- A retarder
a. Traitement adjuvant sans facteurs de risque élevés de récidive b. Tumeurs en place à évolution lente ou avec possibilité de traitement « d’attente » ou néoadjuvant i. Prostate sous HT ii. Tumeurs cérébrales bas grade iii. Carcinomes basocellulaires c. Palliatif sans urgence
Service de radiothérapie…………………………………… Responsable : ………………………………………………………………….. Contacter ……………………………….. Personne(s) COVID-19 + : P1 : ……………………………………………………………………………… Patient /__/ ; Personnel /__/ (fonction :………………………………..………) Date de confirmation : …………………………………………………………… Liste des contacts
Sujet contact
Degré de contact
Fonction
ANNEXE1 :
exemple d’organigramme du service
Un médecin radiothérapeute et un résident en radiothérapie (par unité si applicable ; à adapter en fonction de l’activité prévue).
Un physicien médical (à adapter à l’activité prévue). 2 manipulateurs pour assurer le traitement : Un seul technicien de radiothérapie en salle pour la mise en place, le second restant au pupitre (par appareil de traitement).